LA CLIENTELE DANS LE FONDS DE COMMERCE EN DROIT OHADA

Richard ALEMDJRODO
Par Richard ALEMDJRODO
103 min de lecture

Résumé :

La doctrine en droit OHADA a repris l’assertion selon laquelle la clientèle est l’élément essentiel du fonds de commerce. Il est permis d’en conclure que la clientèle est l’élément indispensable du fonds de commerce. Le droit OHADA, à son corps défendant, se trouve de facto au cœur d’un débat controversé sur la notion de clientèle et sur sa réelle importance dans le fonds du commerce. Si l’essentialité de la clientèle questionne, c’est parce que les autres éléments constitutifs du fonds de commerce que sont, entre autres, l’enseigne, le nom commercial, les marchandises, etc. semblent relégués en arrière-plan, au point de dire que la disparition de la seule clientèle met fin à l’existence du fonds. En analysant la doctrine et la jurisprudence en droit OHADA et en droit français, les nombreuses controverses entourant la notion de clientèle sont passées en revue, controverses par rapport, d’une part, à son caractère indispensable vis-à-vis des autres éléments du fonds, et d’autre part, à l’importance pour le droit OHADA de se démarquer par une position qui prenne en compte la diversité des fonds de commerce. La position ultime de cette étude est donc qu’il est important pour le droit OHADA de prendre en compte la réalité de la diversité ainsi que le caractère aléatoire du fonds de commerce, afin d’ajuster le régime juridique de la clientèle par rapport à certaines réalités nouvelles dans l’aire géographique OHADA, notamment l’expansion des centres commerciaux.

Mots clés : Clientèle – Fonds de commerce – Essentialité – Disparition – OHADA.

Introduction

La clientèle, un des éléments constitutifs du fonds de commerce, est une notion qui a suscité moult débats et controverses en France et ailleurs[1]. Des auteurs tels que Ripert et Roblot estimaient que le fonds de commerce était un véritable « droit à la clientèle », de sorte qu’il constituerait un droit de propriété incorporelle analogue, à celui dont dispose l’inventeur sur son brevet[2]. Mais cette position a été contestée, et le fait qu’aujourd’hui le droit commercial peut se construire à partir de la notion d’entreprise, implique qu’il n’est pas besoin de se référer à la clientèle, selon Legeais[3]. La tentation serait grande de croire que le débat est épuisé, d’autant plus que le droit commercial français et le droit de l’OHADA[4], demeurent pour l’instant construits autour de la notion de fonds. En outre, la consécration de la clientèle comme élément essentiel du fonds de commerce en droit OHADA, droit dont l’un des objectifs est de rendre la zone OHADA économiquement attractive[5], mérite que l’on étudie la conception retenue par le législateur communautaire africain[6].

En droit commercial, la fonction première de la clientèle est de permettre au commerçant de gagner de l’argent, d’engranger des bénéfices. Cela se ressent souvent dans les développements consacrés à cette notion dans les ouvrages de droit commercial, puisqu’ils ont tendance à porter plus sur les moyens qui permettent au commerçant d’atteindre l’objectif premier de la clientèle, plutôt que sur les hommes et femmes qui constituent celle-ci[7]. Dans cette optique, le législateur OHADA n’a pas expressément défini la clientèle, mais elle est citée dans la définition allégée du fonds de commerce tirée de la réforme du 15 décembre 2010 de l’Acte Uniforme portant Droit du Commerce Général (AUDCG), en son article 135 (ancien article 103 de l’AUDCG[8]). Selon cette disposition, « Le fonds de commerce est constitué par un ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une clientèle ». La Cour d’appel de Bobo-Dioulasso reprend une définition de la chambre civile de la Cour de cassation française, définition qui semble prendre en compte les personnes derrière la notion en ces termes : « (…) la clientèle est l’ensemble des personnes qui sont disposées à entretenir des relations contractuelles avec un commerçant à condition que cette clientèle soit propre au commerçant et qu’elle lui soit personnellement attachée (Civ. 22 octobre 1974, Bull 111, p. 279)[9] ». En réalité, l’histoire de cette notion[10] montre que plusieurs définitions sont proposées par la doctrine, française notamment, mais aucune ne permet d’arrêter une conception cohérente quant à sa qualification. D’après le dictionnaire de Gérard Cornu, la « clientèle » peut être définie comme un « ensemble des relations d’affaires habituelles ou occasionnelles qui existent et seront susceptibles d’exister entre le public et un poste professionnel (fonds de commerce, cabinet civil) dont ils constituent l’élément essentiel et qui généralement trouvent leurs sources dans des facteurs personnels et matériels conjugués ».[11] La floraison de définition continue avec Cohen, qui considère la clientèle comme l’ensemble des personnes se fournissant chez un commerçant ou recourant à ses services[12].

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