L’application de l’AUDCG aux baux conclus avant son entrée en vigueur : une symphonie inachevée

Me Noël Assiom BOKODJIN
Par Me Noël Assiom BOKODJIN
39 min de lecture

« O temps, suspends ton vol ! Et vous lois nouvelles, suspendez vos effets! ». Ainsi pourrait s’exclamer, nostalgique comme Alphonse de LAMARTINE[1] Poète Français (1790-1869) dans son œuvre Le Lac : « O temps, suspends ton vol ! Et vous heures propices, suspendez votre cours !… »., la partie à un bail commercial conclu sous le régime antérieur à l’AUDCG[2] Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général. qui voudrait voir ce contrat épargné des contraintes issues de la loi nouvelle. 

Le droit et le temps, voilà un duo dont la relation étroite est souvent source de casse-tête pour le juriste. L’actualité récente à Lomé a illustré cette réalité à la suite d’un sujet proposé aux candidats à l’examen du  CAPA[3] Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, sujet de rédaction d’acte de procédure, Promotion 2015-2017.  et relatif à un bail auquel il fallait déterminer, avant tout, la loi applicable. Lorsque deux ou plusieurs lois se succèdent dans le temps et sont destinées à régir une situation qui les enjambe, il se pose la question de conflit de lois dans le temps.

Si les principes classiques de la non-rétroactivité de la loi, de son application immédiate aux situations en cours et de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle sont généralement  suffisants  pour apporter une solution à cette problématique, la question reste entière à la lecture de l’Acte Uniforme de l’OHADA[4] Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires dont le Traité est signé à Port Louis à l’Ile Maurice le 17 octobre 1993 et révisé au Québec le 17 octobre … Continue reading relatif au Droit Commercial Général. Cet Acte uniforme a régi plusieurs contrats, dont le bail commercial rebaptisé bail à usage professionnel depuis la réforme entrée en vigueur le 15 février 2011. 

Le bail étant un contrat à exécution successive, nombreux sont ces baux conclus avant le 1er janvier 1998 qui se poursuivent  après la réforme  de 2011. Il y en a également, tout aussi nombreux, qui sont conclus après le 1er janvier 1998 et dont l’exécution se poursuit après 2011. Enfin, on en rencontre qui ont vu le jour avant 1998[5] Date d’entrée en vigueur de l’AUDCG du 17 avril 1997. et se sont poursuivis après cette date, mais sont arrivés à leur fin avant la réforme de 2011. Tous ces baux enjambent deux, voire trois régimes juridiques différents.

Le régime du bail introduit par le législateur de l’OHADA a pour principal but de protéger le professionnel en lui assurant les conditions nécessaires pour une certaine stabilité indispensable à la survie de l’entreprise, grâce à la pérennisation de sa clientèle. Contrairement au régime de droit commun du louage d’immeuble[6] Il s’agit des articles 1713 à 1762 du code civil français d’avant 1960 applicable dans la plupart des pays de la zone OHADA. dans lequel le bailleur peut facilement donner congé au preneur pour rompre le contrat, le droit au renouvellement, dont l’origine remonte à la loi française du 30 juin 1926 complétée par le décret du 30 septembre 1953, apporte une certaine rigidité dans la relation contractuelle entre le bailleur et le preneur au profit de ce dernier.

Avant l’avènement de l’OHADA, ces baux étaient soumis à la législation antérieure[7] En dehors de quelques rares pays dont le Sénégal et le Mali qui avaient adopté des lois régissant les contrats civils et commerciaux, c’était le code de commerce français d’avant 1960 … Continue reading qui, pour la plupart des États membres, se trouve être le droit commun du louage d’immeuble. Conformément à ce régime, les parties au contrat de bail prévoient souvent une clause de reconduction tacite en vue de son renouvellement.

Ensuite, vint l’Acte uniforme du 17 avril 1997 avec un régime bien inspiré de la loi française. A cette étape de l’évolution législative dans l’espace communautaire, la question se posait déjà et continue de se poser de savoir à quel texte ces baux restaient-ils soumis. La législation sous l’égide de laquelle ces contrats étaient conclus ? Ou l’Acte uniforme du 17 avril 1997 ? Plus spécifiquement, à quelle règle doit-on soumettre le renouvellement d’un bail commercial conclu avant 1997 et dans lequel les parties avaient peut-être déjà prévu les conditions de renouvellement ?

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Références

Références
1  Poète Français (1790-1869) dans son œuvre Le Lac : « O temps, suspends ton vol ! Et vous heures propices, suspendez votre cours !… ».
2  Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général.
3  Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, sujet de rédaction d’acte de procédure, Promotion 2015-2017. 
4  Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires dont le Traité est signé à Port Louis à l’Ile Maurice le 17 octobre 1993 et révisé au Québec le 17 octobre 2008.
5  Date d’entrée en vigueur de l’AUDCG du 17 avril 1997.
6  Il s’agit des articles 1713 à 1762 du code civil français d’avant 1960 applicable dans la plupart des pays de la zone OHADA.
7  En dehors de quelques rares pays dont le Sénégal et le Mali qui avaient adopté des lois régissant les contrats civils et commerciaux, c’était le code de commerce français d’avant 1960 qui était applicable dans la plupart des ex-colonies françaises sous le bénéfice d’une loi du 7 décembre 1850.
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