La mise en valeur des biens

Efoe DOSSEH-ANYRON
Par Efoe DOSSEH-ANYRON
115 min de lecture

TOULLIER décrivait les prérogatives que confère le droit de propriété à son titulaire en ces termes : « Ce droit renferme celui de dénaturer la chose, d’en changer la forme, la surface, la substance même, en tant qu’il est possible ; en un mot, de la consumer »[1]. Il est de son siècle puisqu’il reprend la conception du Code civil français entrée en vigueur quelques années auparavant. En réaction à l’ancien droit qui soumettait le titulaire du droit de propriété à plusieurs contraintes[2] notamment « les charges féodales »[3], le Code civil français de 1804 affirme la volonté individuelle et le pouvoir souverain du propriétaire sur la chose à travers ses prérogatives : user, jouir et disposer. La maîtrise absolue, « au bon plaisir »[4] du propriétaire sur la chose lui permet d’en user ou non mais aussi d’en faire un mésusage[5]. Dès lors, toute technique limitant le pouvoir du propriétaire sur son bien bouleverse la conception individualiste des rédacteurs du Code civil. PORTALIS considérait que « le corps entier du code civil est consacré à définir la propriété ; droit fondamental sur lequel toutes les institutions reposent »[6]. Or, les restrictions au droit du propriétaire n’ont cessé de se développer depuis le Code civil et de bouleverser la notion de propriété. L’actualité renseigne sur le débat virulent et sociétal quant aux techniques susceptibles restreindre les droits des propriétaires de brevets portant sur des vaccins en période de crise sanitaire liée à la covid-19. La mise en valeur fait partie de ces techniques qui défient la consistance du droit du propriétaire sur son bien.

Le terme valeur occupe une place de choix dans les études économique, sociale et philosophique[7]. Dans un sens courant, le mot valeur, du latin, valorem et de l’ancien français value[8], désigne ce qui en général est utile[9], « ce que vaut, en argent, une chose ; le montant de la somme d’argent qu’elle représente, sa valeur pécuniaire »[10]. Le terme valeur est souvent combiné avec des expressions telles que : chose et bien[11]. La valeur d’un bien s’explique par sa rareté et le désir d’appropriation qu’il engendre[12]. Le droit des biens qui vise l’étude « des règles gouvernant les relations entre les personnes et les choses »[13] accorde une importance cardinale à la valeur[14] puisqu’elle n’a précisément pour objet que les biens considérés comme les choses utiles et appropriées[15]. En philosophie, pour déterminer le contenu de la valeur, l’analyse néo-classique se fonde sur les travaux d’ARISTOTE qui distinguaient deux types de valeurs[16] : « la valeur d’usage »[17] et « la valeur d’échange »[18]. La valeur considérée comme « valeur d’usage » se réfère aux utilités du bien et constitue la base de la réflexion des économistes de l’école néo-classique[19]. Cette conception entre en résonnance avec celle des juristes qui analysent le bien à travers ses utilités et sa valeur. Elle a donc un écho doctrinal. Selon VON JHERING : « l’idée de valeur contient la mesure de l’utilité de la chose »[20]. Cette acception de l’idée de la valeur permet de fixer à première vue l’expression « de mise en valeur » qui constituerait la déclinaison de l’usage des utilités du bien.

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