L’exploitation des jeunes filles domestiques: mythe ou réalité

Ampah JOHNSON-ANSAH
Par Ampah JOHNSON-ANSAH
70 min de lecture

« Sur la terre de mon mari, je suis une étrangère. Sur la terre de mes parents, je ne suis que passagère. Je ne suis de nulle part. Je ne figure sur aucun registre, sur la carte de la vie je n’ai pas de nom ».

Paulina CHIZIANE, Le parlement conjugal, une histoire de polygamie, Actes Sud, p. 105

S’il y a un mot qui peut décrire l’Afrique, s’il y a un terme qui peut embrasser toute la réalité du continent noir, s’il y a un son qui peut traduire toutes les pesanteurs de l’âme humaine dans cet espèce de vie, c’est bien l’esclavage. L’esclavage dont la déclinaison naturelle est la colonisation portant le germe du mépris de l’autre[1]. Il apparaît comme une véritable institution, autant dans sa forme primaire que dans ses mues évolutionnistes. Il doit donc être appréhendé dans tous ces aspects car il a su se moderniser en revêtant de nouvelles formes tout en gardant son critère essentiel : la négation et l’exploitation de l’autre. Il peut être identifié chaque fois que l’on serait en présence d’une pratique indigne qui n’honore pas l’autre car son assise fondatrice demeure le refus de l’altérité sous le couvert de la violence et de la domination. Dans ce cas, la position de la femme africaine historiquement, sociologiquement et juridiquement semble ambigüe comme le montre clairement cette assertion : « Même lorsqu’elles n’occupaient pas une position prépondérante, les femmes ont toujours eu un sort raisonnablement enviable. La femme mène une existence différente de celle de l’homme, elle a son propre domaine mais, dans la plupart des tribus, elle n’est pas rabaissée au rang d’esclave »[2]. Perçue à travers le prisme de la modernité, il semble pourtant que la situation de la femme africaine, en général, n’est guère enviable. Si Paulina CHIZIANE relève que, même mariée et épouse, elle n’est de nulle part qu’en serait-il, au vrai, de la petite domestique ?

Sans identité, sans lieu et sans lien, la jeune fille est parfois soumise aux pires épreuves de la vie : viol, prostitution, mutilations sexuelles et esclavage moderne au rang duquel on peut compter l’exploitation domestique. De la ville, on va dans les villages les plus reculés, les plus exposés à la misère pour recruter un enfant, une petite fille qui fera partie du ménage sans en être pour autant un membre comme les autres. Éloignée de ses parents, elle est exploitée comme une bonne de maison, une domestique, parfois pendant de nombreuses années sans aucun revenu en retour. Les seuls souvenirs étant les sévices, les travaux plus ou moins pénibles exécutés à longueur de journées. Cette situation particulière de la jeune fille ne semble pas très éloignée de celle de l’esclave, l’esclavage étant défini comme « l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux »[3]. Entre homme et chose[4], la jeune fille domestique est le symbole de l’« insécurité féminine »[5] que constituent les discriminations, harcèlements, humiliations et violences dont elle souffre au quotidien. Le droit ne peut rester indifférent à ce lugubre sort tendant à la réification de la jeune fille domestique.

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