Le droit togolais du travail a fait récemment peau neuve. L’adoption de la loi n°2021-012 du 18 juin 2021 portant code du travail en République togolaise a matérialisé une réforme qui visait principalement à consolider « l’amélioration significative du climat des affaires par le biais de la promotion d’un cadre réglementaire adapté et incitatif à l’investissement et à l’entrepreneuriat »[1]. La réglementation d’une série de contrats à durée déterminée avec des régimes particuliers dont celui dénommé contrat de projet, constitue une des innovations remarquables de la réforme.
S’il porte le nom de contrat de projet, il n’a pas vocation à s’appliquer exclusivement au projet, pris dans son sens strict[2]. Il peut également servir à nouer les relations contractuelles de travail dans le cadre de l’exécution d’une mission, d’une opération, d’un chantier ou encore la réalisation d’un ouvrage déterminé. Aux termes de l’alinéa 1er de l’article Article 57 du nouveau code du travail en effet, « Le contrat de projet, de mission ou d’opération est un contrat de travail à durée déterminée, conclu par écrit pour l’exécution ou la réalisation d’un ouvrage déterminé, d’un projet, d’un chantier, d’une mission ou d’une opération dont la durée peut ne pas être préalablement évaluée ou connue avec précision au moment de sa conclusion ». C’est un contrat qui permet de recruter un salarié pour les besoins spécifiques de la réalisation d’un projet dont la durée est incertaine. L’incertitude attachée à la durée du projet rend difficile voire inappropriée une embauche par un contrat à durée déterminée « classique »[3]. Ce contrat devrait permettre aux entreprises togolaises d’avoir une main d’œuvre disponible sur les projets sans être directement ou définitivement liées aux travailleurs comme dans une relation à durée indéterminée.
Le législateur togolais aurait-il été inspiré par son homologue français ? L’hypothèse est fortement plausible. Plusieurs formes de contrat de projet existent en effet en droit français. D’abord le décret n°2020-172 du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique prévoit et réglemente un contrat de même dénomination. Celui-ci présente la particularité d’être applicable uniquement en vue du recrutement pour des projets dans la fonction publique française. C’est un mode alternatif au recrutement des fonctionnaires. Il permet à l’administration publique de recruter une personne sous un contrat temporaire. C’est un contrat d’une durée comprise entre une et six années. La fin du contrat ne donne droit ni à un contrat à durée indéterminée ni à une titularisation dans la fonction publique.
Ensuite, et cette fois au profit des personnes privées, le droit français livre un autre exemple de contrat de projet dénommé « CDI de projet»[4].Même s’il est comparable de par son objectif[5]au contrat de projet prévu par l’article 57 du code togolais du travail, il s’en distingue sur ce point fondamental qu’il est un contrat à durée indéterminée.
Le nouveau code du travail togolais classe le contrat de projet dans la catégorie des contrats de travail à durée déterminée, contrat réputé précaire par rapport au contrat à durée indéterminée. Comparé au contrat à durée indéterminée, les contrats précaires apparaissent comme sans perspective, offrant une faible protection à leur titulaire notamment en matière de stabilité de l’emploi. En effet, « Titulaire d’un emploi permanent, le salarié sous CDI a vocation à faire carrière dans l’entreprise »[6]. Par contre, une relation contractuelle de travail à durée déterminée risque de déboucher dès l’arrivée de son terme sur le chômage du salarié. Le contrat à durée déterminée se présente alors comme un contrat par défaut, un contrat subi, faute d’avoir pu décrocher un contrat à durée indéterminée. Le salarié sous CDD vivrait avec prudence sa relation comme dans une période d’essai, dans l’espoir de la reconversion de son contrat en contrat à durée indéterminée. Le développement de ce genre de contrats n’est donc communément pas vu d’un bon œil pour la protection du salarié. Vu sous cet angle, le choix du législateur togolais d’intégrer le contrat de projet dans les options contractuelles constatant les relations de travail, peut susciter des interrogations.
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