La théorie de « l’autorité apparente » en Droit des Sociétés Commerciales

Mme KUAGBENU Afi Akpe
Par Mme KUAGBENU Afi Akpe
25 min de lecture

« Le mandat est un jeune vieillard qui a l’avenir devant lui et dont on a pas fini de mesurer la vitalité »[1] Ph. PETEL, Le contrat de mandat, Dalloz, 1994, p.123.. Cette affirmation est toujours d’actualité au regard de l’arrêt rendu par la CCJA le 29 mars 2018 qui se rapporte à la théorie de l’autorité apparente en droit des sociétés commerciales.

En l’espèce, il ressort « qu’au début du deuxième trimestre 2010, monsieur DOSSOU-LIHOUE Claude a acheté à la représentation à Lomé de la compagnie aérienne ROYAL AIR MAROC (RAM) un billet d’avion aller-retour à Milan (Italie) via Casablanca, pour répondre à une invitation de ses partenaires d’affaires ; qu’à l’escale de Casablanca, les autorités policières marocaines, effectuant un contrôle de sécurité aéroportuaire, ont émis des réserves sur l’authenticité du visa italien que détenait Claude DOSSOULIHOUE, l’ont débarqué et fait retourner à Lomé le 26 avril 2010 en vue de procéder aux vérifications auprès du Consulat d’Italie à Lomé, alors que son arrivée à Milan était prévue pour le 25 avril 2010 ; que le Consulat confirmera plus tard aux autorités marocaines l’authenticité du visa de monsieur DOSSOULIHOUE ; que le 16 juin 2010, DOSSOU-LIHOUE a adressé à la représentation locale de Royal Air Maroc à Lomé une lettre de protestation et de réclamation ; que le 03 août 2010, le Directeur de Marketing de la Royal Air Maroc à Lomé répond pour « regretter les désagréments qui ont été causés ,…. prier DOSSOULIHOUE d’accepter des excuses  présentées  au nom de Royal Air Maroc » et faire des offres de réparations, entre autres, le remboursement du prix du billet aller-retour Lomé-Milan » ; monsieur DOSSOU-LIHOUE décline ces offres d’où le litige. 

L’affaire fut connue d’abord par le tribunal de première instance de Lomé qui par le jugement n° 008/14 du 20 janvier 2014, condamne la compagnie Air Maroc à cinquante millions de dommages et intérêts pour tous les préjudices subis ; ensuite par  la Cour d’appel de Lomé, qui en statuant sur le recours de La Royal Air Maroc infirme le jugement en ce qu’il a fixé le montant des réparations à la somme de cinquante millions (50.000.000) FCFA, le reforme, et condamne la RAM à payer la somme de vingt millions (20.000.000) FCFA à titre de réparation, confirme le jugement n°008/2014 en toutes ses autres dispositions non contraires ; et enfin par la CCJA qui a rendu le 29 mars 2018, le présent arrêt.

Pour Monsieur DOSSOU.- LIHOUE.,  les actes de la direction Marketing de la représentation de la Compagnie RAM à Lomé engagent la responsabilité de la RAM aux motifs que la lettre à lui adressée par la Direction Marketing de la succursale au Togo, équivalait à une reconnaissance pure et simple par la société Royal Air Maroc de sa responsabilité du fait de l’existence d’un mandat apparent. 

Pour la RAM, sa responsabilité ne pouvait être retenue du fait des actes du directeur Marketing de la RAM Lomé aux motifs que la Direction Marketing n’était en aucun cas un organe d’administration de toute la société et ne pouvait donc engager la société anonyme à l’égard des tiers par ses actes, quelle que soit leur nature au regard des dispositions d’une part des articles 121 et 122 de l’AUSCGIE et d’autre part de celles des articles 415 et 494 du même acte uniforme.

La question qui se pose est de savoir si la responsabilité d’une société anonyme peut être engagée à l’égard des tiers par les actes d’une personne autre que ses dirigeants alors même que cette personne n’a pas le pouvoir de la représenter au regard des dispositions de l’AUSCGIE ?

La CCJA, se fondant sur la théorie de l’autorité apparente, retient que les engagements pris par la Direction Marketing de la RAM à Lomé peuvent valablement engager la responsabilité de la RAM aux motifs que Mr DOSSOU-LIHOUE avait légitimement cru que la Direction Marketing de la Royale Air Maroc disposait de tous les pouvoirs nécessaires pour gérer leur différend jusqu’à son terme et apparaissait comme un mandataire de la Royal Air Maroc.

La décision consacre « la théorie de l’autorité apparente », une autre variance de la théorie de l’apparence qui avait permis l’émergence du « mandat apparent » en droit commun[2] Cass. ass. Plén., 13 décembre 1962, JCP 63, II, 13605. et du « dirigeant apparent » en droit des sociétés. La « théorie de l’autorité apparente » retenue en l’espèce par les juges de la CCJA a le mérite d’être une notion générique qui transcende tout le droit (droit privé ou droit public) en général et le droit des affaires en particulier. Aujourd’hui appliquée à un dirigeant apparent d’une société commerciale, elle peut être aisément étendue à d’autres « autorités » lorsque les conditions sont remplies. 

La solution basée sur « la théorie de l’autorité apparente » en droit des sociétés commerciales (I), est une illustration parfaite de la théorie du mandat apparent et permet de retenir la responsabilité de la société (II) sur le fondement de l’apparence. 

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Références

Références
1  Ph. PETEL, Le contrat de mandat, Dalloz, 1994, p.123.
2  Cass. ass. Plén., 13 décembre 1962, JCP 63, II, 13605.
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