Arrêt CCJA, 3e ch., n° 083/2018 du 29 mars 2018, Société MATE ALU Sarl C/ Société SMART ELECTRONICS Sarl,
L’acheteur ne peut, avec un quelconque espoir de succès, retenir les marchandises livrées non conformes et subséquemment demander la résolution de la vente. Tel est l’enseignement qu’il faut tirer de l’arrêt de la 3e chambre de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, rendu le 29 mars 2018.
En l’espèce, un vendeur a livré 2500 téléphones portables à son client. Ceux-ci se sont avérés non conformes à la commande effectuée par ledit client. L’acheteur fait pratiquer une saisie conservatoire sur la livraison, malgré la demande de renvoi de la commande effectuée par le vendeur. La saisie a, par la suite, été annulée par une décision du juge des référés, confirmée en appel. Toutefois, l’acheteur s’est opposé à la restitution des téléphones expédiés par erreur. Il les a retenus malgré la levée de la saisie, tout en continuant d’exiger l’exécution conforme du contrat.
Les juridictions nigériennes ont tour à tour connu de l’affaire, notamment le TGI de Niamey qui a rendu le jugement n° 98 du 5 mars 2014, la Cour d’Appel de Niamey qui a rendu l’arrêt n° 21 du 16 février 2015, la Cour de cassation du Niger qui a, par l’arrêt n° 16-082 Civ du 18 octobre 2016, renvoyé l’affaire devant la CCJA.
Devant les juridictions de fond, l’acheteur demande la résolution du contrat de vente et la restitution du prix des téléphones, le paiement des intérêts de droit et des dommages et intérêts. Au soutien de sa demande, il excipe de ce que le vendeur, en livrant des téléphones de marque Samsung E 1200 au lieu des téléphones de marque Samsung E 1105, ne s’est pas conformé au contrat et qu’il aurait commis une faute. Le vendeur, pour sa part, demande reconventionnellement la restitution du colis livré par erreur et le paiement de dommages et intérêts.
Les juridictions de fond ont condamné le vendeur au remboursement du prix de la vente augmenté des intérêts de droit et des dommages-intérêts. Le vendeur a été débouté de sa demande reconventionnelle. C’est cette décision qui a fait l’objet du pourvoi.
A l’analyse de l’arrêt, une interrogation émerge. L’acheteur peut-il demander la résolution du contrat de vente pour inexécution des obligations de livraison et de conformité par le vendeur, alors qu’il retient le colis expédié par erreur ?
Pour la CCJA, la résolution de la vente peut être demandée par une partie en vertu de l’article 281 de l’AUDCG[1] Acte uniforme portant droit commercial général de l’OHADA. , en cas d’inexécution par l’autre de ses engagements. En revanche, une telle résolution ne peut prospérer lorsque la partie qui la demande, en l’espèce, s’est opposée à la restitution des produits expédiés par erreur, et qu’elle les a retenus malgré la levée de la saisie, tout en continuant d’exiger l’exécution conforme du contrat. Les juges de la CCJA décident que l’acheteur a failli à son devoir d’exécution de bonne foi du contrat et que ces circonstances excluent toute faute à la charge du vendeur. Elle conclut qu’il n’y a pas lieu à la résolution du contrat de vente. Cette décision qui mérite approbation reste subtile, quoiqu’insuffisamment fondée. La Cour renvoie simplement aux conditions fixées par l’article 281 AUDCG en cas d’inexécution du contrat de vente. Ainsi, elle rappelle la faculté de rupture de la vente (I), pour rejeter la demande de résolution de la vente (II).
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Références
↑1 | Acte uniforme portant droit commercial général de l’OHADA. |
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