La résolution bancaire dans l’UMOA

Kokou Serge EVELAMENOU
Par Kokou Serge EVELAMENOU
140 min de lecture

La faillite de la banque Lehman Brothers le 15 septembre 2008, et les conséquences économiques et financières en chaîne qui en ont résulté, ont révélé au grand public la fragilité du système financier international, dont l’effondrement n’a pu être empêché qu’en raison de l’intervention massive des pouvoirs publics[1]. Pour éviter que des crises de cette ampleur ne se reproduisent et surtout qu’elles ne provoquent des effets aussi destructeurs, les autorités monétaires et financières de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) ont adopté un mécanisme dit de résolution des crises bancaires dans l’Union[2].

D’un point de vue terminologique, le terme résolution peut prêter à confusion, le mot ayant plusieurs sens en droit français et dans les systèmes juridiques apparentés. Elle désigne, à titre d’exemples, l’action de délibérer et décider ou le résultat de cette action[3]. En outre, la résolution désigne parfois l’action de trancher un litige ou la solution du litige. Enfin, le terme résolution est employé le plus souvent pour désigner l’action d’anéantir, ou le résultat de cette action. C’est le cas, en droit contractuel, où résolution veut dire l’anéantissement, en principe rétroactif, d’un contrat synallagmatique qui, fondé sur l’interdépendance des obligations résultant de ce type de contrat, consiste à libérer une partie de son obligation, lorsque l’obligation de l’autre ne peut être exécutée, soit du fait d’une faute de celle-ci, soit par l’effet d’une cause étrangère[4]. Dans ce sens, la résolution constitue une mesure grave ; aussi, son prononcé a-t-il longtemps été réservé au juge[5]. Mais, depuis l’ordonnance française du 10 février 2016, elle « résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice »[6].

En droit bancaire, le terme résolution désigne une tout autre réalité. Il revêt un sens assez proche du langage courant, l’action de résoudre un problème, une difficulté[7] : la résolution d’une crise par exemple, mais s’en éloigne aussitôt par sa spécificité, ses implications, et ses origines anglo-saxonnes. D’après le Comité de Bâle[8], la « résolution » bancaire, de l’Anglais « bank resolution »[9], est la restructuration d’une banque par une autorité de résolution, au moyen d’instruments de résolution, afin de sauvegarder l’intérêt public, y compris la conti­nuité des fonctions critiques et la stabilité financière de la banque, à un coût minimal pour les contribuables. Il s’agit donc de sauver tout ou partie des activités de l’établissement bancaire, en préservant les fonctions considérées comme utiles, ou d’importance systémique, ou, à défaut, organiser la disparition ordonnée de l’établissement bancaire, en protégeant au maximum les dépôts des épargnants et en réduisant au minimum, voire en supprimant carrément, l’intervention des fonds publics[10]. L’un des objectifs visés est donc de faire en sorte que le contribuable n’ait plus à supporter les conséquences des risques inconsidérés des établissements financiers principalement mus par l’avidité et l’appât du gain.

En effet, depuis la libéralisation des marchés financiers dans les années 1980[11], les crises financières se succèdent à intervalles quasi-réguliers[12]. Ces crises, selon la doctrine économique néoclassique, sont inhérentes au fonctionnement de l’économie de marché capitaliste, et auraient même pour certains auteurs, « une fonction de purge salutaire »[13]. Dans ce sens, l’histoire enseigne que la vie des institutions est jalonnée de certaines crises (économiques) notables comme le cas, dès le Moyen-Âge, de la faillite des compagnies financières italiennes en 1343, en raison de prêts énormes accordés au roi Edouard III d’Angleterre, en contrepartie d’une autorisation de faire le commerce de la laine[14], ou au XVIIe siècle, du krach des bulbes de tulipe en Hollande, le 5 février 1637, considéré comme l’éclatement de la première bulle spéculative de l’histoire, et qui provoqua l’effondrement en quelques semaines de près de 90 % du prix de ces fleurs et la faillite de plusieurs spéculateurs[15]. Les défaillances bancaires ou financières semblent ainsi accompagner tout naturellement le développement économique de l’humanité[16].

Cela n’a, cependant, pu empêcher l’avènement de ce que certains auteurs ont appelé pax bancaria[17], c’est-à-dire une période de paix en matière bancaire, marquée par une quasi-absence de crise, celle des années 1945-1975, qualifiée à juste titre de la période des « Trente Glorieuses »[18]. Malheureusement, le mouvement de dérèglementation et de globalisation financière, qui a suivi, a signé le retour des crises. Du fait de cette globalisation, l’argent circule par-delà les frontières et à une vitesse insoupçonnée, grâce aux constants progrès technologiques. Les consommateurs et les investisseurs peuvent désormais accéder à de multiples marchés, à tout moment, et recourir à une gamme de professionnels élargie, ces derniers pouvant développer leurs activités hors des limites territoriales traditionnelles[19]. La globalisation souhaitée par l’OMC, comme le montre l’annexe 1B de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC en 1994, et qui a pour objectif la libéralisation des services financiers[20], a ainsi assurément un impact sur la façon dont le secteur bancaire et financier doit être régulé, comme en a eu la révolution technologique d’Internet, qui a permis une interconnexion des marchés en temps réel[21]. Mais, le paradigme a changé depuis la crise bancaire et financière de septembre 2008, qui a révélé au monde les répercussions en chaîne des conséquences désastreuses que la défaillance de certaines banques peut avoir sur l’économie mondiale, du fait notamment de leurs dimensions et de leurs interconnexions avec d’autres établissements.

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